Zach's Diary - Episode I

Portrait de Kyomi

Zach’s diary

 

 

13/10/2071

Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. Tout devient terriblement confus dans mon esprit, ma perception du temps et de l'espace se brouille au fur et à mesure que les évènements s'enchaînent, que mes repères se perdent dans un bain de sang et de larmes, qu'on m'arrache ma vie morceau après morceau.

2 mois que je suis en cavale, que je me cache comme un criminel, ballotté d'un bout à l'autre du pays par des gens infréquentables - les seuls qui ont pris soin de moi quand j'étais à l'agonie. 2 mois que je ne suis pas rentré chez moi, que je n'ai vu ni famille, ni amis, ni Celle qui occupe mes pensées à chaque seconde. 2 mois qui m'ont paru une éternité, un long cauchemar dont je pensais ne jamais me réveiller.
J'avais tort.
Le cauchemar a pris fin. L’enfer a commencé.

Je crois que je l'ai su un peu avant. Sur l'Interstate, quand j'ai demandé dans quel état ils allaient revenir, j'avais eu comme un mauvais pressentiment, confirmé par la réponse hésitante de Johnny. Avec le recul, je crois qu'il savait. Il connaissait Angus Mac Lear. Il savait ce qui arrivait à ceux qui s'approchaient de la Faucheuse.
A ce moment là, il me restait encore de l'espoir. Oh, pas beaucoup, mais quand même. Je me disais : que reste-t-il à un homme à qui on a tout pris, si ce n'est l'espoir? Maintenant je sais que la vraie réponse est : la haine.

Ils sont arrivés dans le vrombissement étourdissant d'un appareil à poussée vectorielle, à moitié détruit - poussé au-delà de ses limites, tenant debout tout juste par miracle, et dont le nom était comme un avertissement cynique : le Last Hopper. Dans l'habitacle, Angus Mac Lear essayait de garder en vie ce qu'il restait de ma mère.
Ma mère.
Elle...
Elle ne ressemblait plus du tout à ce qu'elle était - ou du moins aux souvenirs que j'en avais. Si l'on m'avait dit à l'époque que 2 mois pouvaient autant métamorphoser une personne aussi forte, je ne l'aurais pas cru. Maintenant je sais que 24 heures suffisent.

Elle portait un treillis militaire, elle d'habitude si féminine. Je crois que c'est pour ça que je ne l'ai pas reconnue tout de suite. Ou alors c'est sa peau, terriblement pâle, déjà cadavérique, ces griffes inhumaines et cette corpulence d'athlète ou de monstre. Et tout ce sang...
Nicky a fait ce qu'elle a pu. Je ne lui en veux pas. Elle avait l'air désolée, et peut-être que j'aurais pu l'en remercier et lui dire que c'était une chic fille, si seulement j'en avais quelque chose à foutre de la compassion des gens.
Le biomoniteur disait qu'elle était morte il y a deux heures. Elle est morte en se vidant de son sang sur le sol froid de ce panzer dégueulasse, quelque part au-dessus du Golfe du Mexique, à mille lieues de tous les gens et endroits qu'elle aimait - avec pour seuls compagnons un mage à moitié fou, un pilote qui doit l'être tout autant, et ce semeur de mort qui se fait appeler Angus Manaan MacLear.

J'ai fui. Ils ne s'occupaient plus de moi ni de ma mère. L'elfe était apparemment en vie et ils se sont empressés de le stabiliser. J'espère qu'ils ont réussi à le tirer d'affaire, personne ne mérite de mourir comme ça.
Je ne sais pas combien de temps j'ai erré dans les rues de Seattle. Ces rues familières, que j'ai désiré revoir pendant chaque minute de mon interminable exil, me rendaient maintenant le reflet hideux de la solitude. Pendant 2 mois, l'équipe de runners ne m'a pas lâchée une seconde. J'avais toujours Nicky qui me surveillait du coin de l'oeil, Johnny qui essayait de faire passer ça pour de la discussion entre potes, et Xo qui débarquait de nulle part quand j'arrivais à me glisser hors de la planque.
Et maintenant que j'étais seul, je me sentais disparaître, j'avais l'impression de me diluer dans l'horreur des évènements - comme si le Zach que j'avais été et que j'avais pensé pouvoir retrouver un jour venait de se faire exploser en plein vol.

J'avais besoin de me retrouver, de reprendre contact avec la réalité, de redevenir moi-même. J'avais besoin que quelqu'un me regarde dans les yeux, non avec compassion ou avec mépris, mais avec amour, avec respect. Ce regard, qui s'est éteint pour toujours dans les yeux de ma mère, il ne restait qu'une personne qui pouvait me le donner.

J'ai volé un commlink jetable, et j'ai composé ce comcode connu par cœur, fébrilement, comme si ce geste familier m'était interdit ou impossible. Au bout d'une attente qui m'a semblé interminable, elle a décroché (un instant, j'avais cru que je n'entendrais plus jamais le son de sa voix, comme plus jamais je n'entendrai les intonations posées de maman, pleines de retenue et de tendresse). Je ne sais pas ce qu'on s'est dit, ce n'était pas important - seul comptait le miracle de cette voix fragile, vibrante d'émotion quand elle prononçait mon nom.

Je l'ai rejointe dans sa résidence universitaire. Sur le trajet, les gens, l'adrénaline ou la folie m'ont rendu à moitié paranoïaque. Je me retournais sans cesse, guettant les runners qui risquaient de revenir à chaque instant, j'essayais de deviner Xo à travers les toits des immeubles ou de reconnaître Steamer au volant des voitures qui roulaient à ma hauteur. Je suis entré dans la résidence comme un voleur, en rasant les murs, avec une peur qui me déchirait le ventre sans que je sache au juste contre quoi ou qui elle était dirigée. Et puis je suis arrivé devant sa porte, elle était là, et l'horreur s'est évanouie.

Je crois que si un jour je sombre dans le désespoir ou la folie, si un jour je deviens moi-même un de ces monstres qui me côtoient, si un jour je me perds dans les méandres de l'enfer et j'en viens à oublier même qui je suis, il me suffira d'appeler à mon souvenir l'image de Rose-Mary dans l'encadrement de cette porte, toute en passion et en pureté. Elle a surgi de nulle part, faisant irruption dans le voile de fuite et de mort qui avait drapé ma vie, ma Venus Anadyomène nimbée de flammes, les yeux pleins de larmes et les lèvres dévorantes de désir. En retrouvant la chaleur de son corps - senteurs d'iris et d'herbe fraîche - en retrouvant la douceur de ses caresses familières, la candeur de son rire et la franchise de son regard, je me suis abandonné à elle et en m'abandonnant je me suis retrouvé, moi Zacharias Hopper, 20 ans et la vie devant moi.

---

14/10/2071

Ils ont fauché son âme comme on fauche le blé mûr, sans un bruit, si vite que la paille a tout juste tremblé.

[le passage qui suit est raturé. L'écriture se fait hésitante]

Je n'y arriverai pas. Non, je ne peux pas... J'essaie, j'essaie de toutes mes forces de formuler les mots dans ma tête, de les coucher sur le papier, de laisser une trace de l'horreur qui se déroule dans l'ombre... Pour qu'un jour quelqu'un sache, comme je sais désormais ce qu'ils ont fait à ma mère, ce qu'ils ont voulu faire au monde entier...

L'image s'est gravée dans mon esprit. Je sens encore sur mes lèvres le souffle tiède du dernier soupir de Rose-Mary, la langueur de son corps sans vie entre mes bras… et pourtant je suis incapable de décrire la scène, de raconter au monde entier comment les monstres d'Aztechnology ont assassiné l'innocence et la douceur mêmes, ma jeune fille en fleur, trop pure et fragile pour fouler de son pas insouciant la noirceur du monde…

Je n’y arrive pas… peut-être parce que ce serait un mensonge.
Je le sais désormais.
C'est peut-être un soldat AZT qui a pressé sur la détente, mais c'est moi qui ai conduit la bête jusqu'à elle, c'est moi et moi seul qui ai fait entrer la mort dans ce refuge. En mettant en danger la femme que j'aimais, en risquant la vie d'un être pour un moment de réconfort, j'ai vendu mon âme, je me suis rendu complice - sinon coupable - du meurtre affreux.
La douleur qui m'étouffe et me lacère le cœur en cet instant même est la moindre des punitions pour le crime que j'ai commis.
Pas de consolation. Pas de répit. Je trainerai jusqu'à la mort cette tache qui noircit mon âme, ce fardeau lourd de mille poids, cette blessure ouverte qui ne se refermera jamais.

---

17/10/2071

Les évènements que je décris ici se sont produits juste après la mort de Rose-Mary, d'après les enregistrements de mes yeux et les échanges de messages. Dans ma tête, c'est confus, toujours cette impression de temps brouillé, comme si aujourd'hui était hier ou il y a 2 mois, et en même temps une éternité dont je suis prisonnier. Mais j'essaie d'être méthodique, comme me disait maman. Elle qui désespérait de me voir faire preuve d'un peu de rigueur, elle serait fière de moi en
Ou pas.
Elle verrait que son sacrifice n'a servi à rien, et elle prendrait son air triste et contrarié qui lui donne un visage si froid...

Comme elle me manque. Plus encore que pendant ces 2 mois d'exil. Comme si la revoir sur le Last Hopper... Non, ce n'est pas ça. La personne que j'ai tenue dans mes bras en sanglotant comme un enfant n'était pratiquement plus ma mère. C'est... je ne sais pas. Peut-être la façon dont me regarde Angus Mac Lear. Par moments, j'ai l'impression de voir ma mère dans le regard de ces yeux vert émeraude.
Par moments, je crois devenir fou...

De la méthode. J'avais dit : de la méthode.
Décrire la suite. Raconter. Le monde doit savoir.
Je ne sais plus bien comment je suis sorti de la chambre de Rose-Mary, prise d'assaut par les forces Aztechnology. J'ai dû m'enfuir par la fenêtre. Angus Mac Lear est arrivé, une fraction de seconde trop tard (une fraction de seconde, une éternité, qu'importe? Rose-Mary est morte. ROSE-MARY EST MORTE.)
Les amis d'Angus Mac Lear ont surgi au détour d’une rue, en voiture, et ils m'ont récupéré sous les tirs ennemis. Il y avait Welson, et ce type qui s'appelait Lead.
Lead.
Il a reçu une balle dans la jambe. J'étais aveuglé, étourdi par la douleur, harcelé par le souvenir de Rose-Mary perdant la vie entre mes bras, alors je n'ai pas vraiment fait attention à ce qui se passait dans la voiture. Et puis Lead a commencé à être vraiment mal... il s'est fait un garrot n'importe comment, alors j'ai filé un coup de main, mais il continuait à devenir tout pâle, et des hématomes commençaient à apparaître... Et puis j'ai compris. Des streetcutters. Une arme immonde qu'on croise dans les pires zones de guerre du globe, là où la morale et l'humanité ont déserté depuis longtemps et où les hommes devenus des bêtes commettent les pires atrocités.
Il lui fallait des soins dans les 5 minutes.
L'hôpital le plus proche était à 45.
Il était condamné.

Le reste des évènements est flou. Seul me reste dans la mémoire, gravé comme dans du marbre, le regard de Lead au moment où il a compris. Pas de peur, pas de désespoir, pas même de haine. Une résignation tranquille, vaguement insolente, et une étincelle dans les yeux au moment de s'armer de grenades pour s'offrir un grand final.
Je lui ai promis que je ne l'oublierai pas.
Non pour ce qu'il a fait pour moi sans même me connaître... non, je pense définitivement que me sauver la vie était la chose la plus stupide qu'il ait faite...
Mais pour cet aplomb. L'attitude de l'homme qui ne craint pas la mort - et qui, partant, est prêt à tout.
Serai-je un jour cet homme-là...?

On est allés dans un rade, le Smelly Cat. Un bouge de quatrième zone, infâme, recueillant la lie de l'humanité. Penser que ma mère a fréquenté des lieux pareils est quelque chose qui dépasse l'entendement. Je peux concevoir qu'une triple A ait ourdi une machination horrible pour vendre des pseudo-vaccins, mais imaginer que Britanny Hopper a un jour foulé le sol poisseux d'un bar à runners, ça j'y arrive pas.
Peut-être parce qu'à un moment, elle avait cessé d'être Britanny Hopper pour devenir Io, monstre cannibale, machine de guerre aux ordres de la Faucheuse.

Je m'emporte. Il faut que j'arrive à me calmer et à prendre du recul par rapport aux évènements, pour les présenter objectivement.
Et pourtant... ai-je vraiment envie de raconter la suite ? Ai-je envie de montrer au monde mon vrai visage, celui qui se cache derrière ce masque impassible, vaguement triste ? Suis-je prêt à montrer le mal qui s’éveille en moi, dont je ne connais ni la forme ni la source, et qui se développe dans le creux des plaies, à l’abri des regards, masqué par les traits encore enfantins d’un garçon naïf qui n’a jamais voulu grandir ?

Je ne suis  pas prêt à l’assumer. Pas tout de suite.

Oh et puis merde. J'ai besoin d'en parler. Et je n'ai plus personne à qui le faire. Ma mère et Rose-Mary sont mortes. C'est ce qui arrivera à mes anciens amis si j'essaie de reprendre contact avec eux. Johnny, Steamer, Xo et Nicky sont Dieu sait où... (parfois ils me manquent un peu, et me dire que c'est la chose la plus proche d'une famille que j'ai connu ces derniers temps me fait peur...)
Il y a bien Welson, mais il est pas du genre causant, et j'ai pas envie de l'emmerder avec mes histoires alors que ça se voit qu'il est miné par la mort de Lead (et de combien d'autres?). Et Kavinsky... ce type est sur une autre planète. Son dévouement pour Mac Lear est aussi malsain que celui de Welson. Quoi qu’il en soit, contrairement à la Steamer team, ce sont des vieux de la vieille, des types qui ont bourlingué, et ça se voit à leur gueule qu'ils ont une longue série de casseroles derrière eux... Des vieux runners, de vrais criminels, j'ai rien en commun avec eux...

Ne reste qu'Angus, Angus Mac Lear.
Mon tuteur légal.
La seule famille qui me reste, après qu'il ait tué toute celle que j'avais.

[L'écriture devient nerveuse et de plus en plus difficile à lire]

Il m'a trainé jusqu'à la réserve du Smelly Cat. Je lui ai dit qu'il semait le malheur partout sur son passage, que ses proches mourraient tous les uns après les autres, je lui ai craché ma haine au visage en espérant que ça me soulagerait de cette douleur atroce qui est en train de me rendre fou.
"C'est une malédiction". Il m'a dit : "C'est une malédiction".
La peur, dans ses yeux... Peur de moi, peur de ce que je deviendrais, peur de lui aussi peut-être, va savoir, mais la malédiction et Fragaragh et la folie et l'Eveil et la moisson des âmes avait commencé avec l'automne, et elle ne prendrait fin que pour recommencer.

----

21/10/2071, Punta Cana

J'essaie de faire taire la douleur dans le rhum et dans l'exercice.
Angus Mac Lear a décidé de m'apprendre à me défendre.
Je crois qu'il se doute - mais je ne pense pas qu'il sache - à quelle fin je joue l'élève modèle pendant ses entraînements.
Mais le jour viendra où je serai devenu assez agile et rapide pour l'avoir, et ce jour-là... ce jour-là, la malédiction pourra prendre fin, et je serai enfin en paix.

---

02/11/2071, Seattle

Aujourd'hui, nous sommes allés nous recueillir sur la tombe de maman.
Le cimetière de Bellevue est joli à l'automne. Les arbres flamboyants égayent la grisaille du décor, et laissent un tapis de feuilles qui craquellent doucement sous nos pas. Tout est silencieux, aucun passant ne vient troubler ce calme. On est seul - dans le temple de la Mort aucune compagnie n’est permise.
(J'ai vu Mac Lear contempler un arbre avec hébétude. Je crois qu'il devient un peu fou lui aussi. A moins qu'il ne l'ait toujours été.)

Maman repose à côté d'Enoch. J'ai vu les archives. Je pense que ça lui aurait fait plaisir, de partager ce dernier bout de terre avec un compagnon d'armes.
Angus Mac Lear est venu avec Will, qui est sorti de l'hôpital. C'est à peine si j'ai reconnu l'homme des vidéos et des photos. Il a perdu un bras, une jambe, pire : son sourire. Ses yeux ont le regard de Lead, le même défi du condamné face à la mort. Parce qu'il est déjà mort, je l'ai vu à travers son âme, il est mangé peu à peu de l'intérieur par la corruption et par l'horrible maladie, celle-là même qui a dû laisser des morsures dans mon corps depuis quelques mois.
Il me regarde avec compassion et un peu de curiosité. Maman a dû lui parler de moi. Elle avait l'air de beaucoup aimer Will. Je suppose qu'elle ne pouvait s'empêcher de se sentir responsable et de prendre soin de lui...
Merde. Faut que j'arrête. Je suis en train de devenir jaloux d'un mage fou qui va mourir dans quelques mois, seulement parce qu'il a passé ces deux derniers mois avec ma mère qui m'a abandonné.
Non. Je me trompe de cible. Je sais contre qui doit être dirigée ma haine.

Will aussi est habité par la haine, mais la sienne a un visage, un visage qui bientôt volera en éclats sous la pluie de plomb et de rage que la Faucheuse abattra sur Los Angeles. Le type qui a fait de Will un monstre, Richter, occupe là-bas un poste de chargé de communication pour Aztechnology (la vie n’est-elle pas délicieusement ironique ?). Angus Mac Lear a retrouvé sa trace, et l’a offerte à Will sur un plateau – comme s’il n’y avait pas de cadeau plus précieux que la vengeance, une vengeance pure et glacée, comme apportée par le vent d’automne.

Je ne sais pas bien ce qu'ils ont prévu de lui faire - ce que Will a prévu de lui faire. Je crois que je n’ai pas envie de le savoir.
(Quand ce sera mon tour, je veux que ça soit intense et nouveau, comme une première fois.)
 

Dire que j'avais presque oublié…

C'est mon anniversaire. J'ai 21 ans.

J’ai attendu ce moment toute ma vie. Toute ma vie j’ai rêvé du jour où je deviendrais enfin adulte, avec des droits, des responsabilités que j’avais hâte de prendre, ce jour où on commencerait enfin à me prendre au sérieux, où je pourrais devenir un homme, épouser la femme que j’aime… ce jour où ma mère, en me réveillant d’un baiser sur le front, me regarderait avec ce mélange de fierté et de nostalgie qu’elle avait parfois, quand elle remarquait que je grandissais.

 

Aujourd’hui, seuls les yeux froids et vifs – quasi inhumains – d’Angus Mac Lear se tournent vers moi lorsqu’il me rappelle, impassible, cette date tant attendue – avec cette distance dont j’ignore si elle est naturelle, si elle m’est dirigée, ou si elle est la conséquence de sa folie.

 

Dieu merci, je suis libéré de son emprise. Maintenant que j’ai 21 ans, il n’a plus aucun droit sur moi. Devrai-je m’en réjouir ? J’en doute. Un homme qui prend la liberté de faucher les âmes des personnes chères s’encombre-t-il des règles et des lois ? Avec le recul, je pense qu’il m’a donné ma liberté parce qu’il savait que je ne la prendrais pas.
 

Il m'a offert un cadeau : un Desert Eagle, le même flingue qu'a utilisé maman ces derniers mois. J'ai vu les dégâts que cette horreur faisait. J'ai pris l'arme, suspicieux, puis surpris par son poids, émerveillé par la douceur froide de la crosse, excité par cet incroyable sentiment de puissance qui se dégageait de ce qui semblait désormais être une extension naturelle de mon bras. J'ai essayé de contenir ma fébrilité, et j'ai rangé l'arme.
Je crois qu'à ce moment-là, Angus Mac Lear a compris que je me rangerais à ses côtés.

03/11/2071

Trou noir.
Impossible de me souvenir de la veille. Tout est flou. Dans mon 'link, des passes VIP pour plusieurs des clubs les plus hype de la capitale. Je crois qu'on a picolé, beaucoup, Kavinsky a dansé avec des filles, Will a pris de la coke, j'ai dit de la merde, ils m'ont montré les photos du mariage d'Angus et de maman (elle avait l'air tellement heureuse...), et puis on a fait la tournée des boites, on a trinqué aux morts et aux vivants, et en faisant ça je ne sais pas vraiment si on se considérait parmi les premiers ou les derniers, parce qu'on était vides et désespérés et qu'on brûlait là nos dernières cartouches, pour faire semblant encore d'exister.

On part à Los Angeles.

Jude
Offline
Last seen: Il y a 2 années 10 mois
Joined: 21/08/2012 - 11:32
La suite!

La suite!

Awake and alive.

L.